Virgile Lacombe

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Interview L'analyse du rugby Sud-Af par V. Lacombe

Passé par le Super XV (ancien nom du Super Rugby, qui intégrait alors les franchises Sud-Africaines) lors de sa carrière de joueur, notre entraîneur assistant des avants revient sur son expérience au pays de Nelson Mandela.

Passé par le Super 15 (ancien nom du Super Rugby, qui intégrait alors les franchises sud-africaines) lors de sa carrière de joueur, notre entraîneur assistant des avants revient sur son expérience au pays de Nelson Mandela. Il nous livre son analyse du rugby "Springbok" et des Cell C Sharks, à quelques jours du 1/4 de finale de Champions Cup.

 

Avant de commencer, peux-tu nous décrire ton passage en Afrique du Sud en tant que joueur ?

 

V.L. : « Après avoir connu une saison compliquée à Brive, à l’issue de laquelle nous étions descendus en Pro D2, je suis retourné au Stade Toulousain en tant que joker médical pour la saison 2012/2013. Au fil des mois, j’ai compris que mon avenir devrait s’inscrire ailleurs suite à ce contrat. J’ai donc demandé à mon agent de trouver une expérience à l’étranger, afin de changer d’environnement et de découvrir un nouveau rugby. C’est là que j’ai eu cette opportunité de rejoindre la franchise des Southern Kings, basée dans la ville de Port Elizabeth, qui disputait le Super 15 pour la première fois de son histoire. Après mon arrivée en janvier 2013 et des matchs amicaux plutôt positifs, une blessure au niveau des côtes m’a contraint à manquer le début du championnat. Ma reprise a malheureusement été perturbée par des problèmes administratifs dûs à la limitation du nombre de joueurs étrangers. J’ai tout de même pu disputer quelques rencontres entre le Super 15 et la Vodacom Cup, mais les circonstances m’ont poussé à écourter mon contrat, afin de rejoindre le Racing 92 en juillet 2013 pour effectuer ma préparation estivale. »

 

On sait que les Sud-Africains ont une mentalité et une manière de travailler bien différente… Que retiens-tu de cette expérience et qu’as-tu appris en évoluant à leurs côtés ?

 

V.L. : « Avant tout, cela a été une expérience enrichissante sur le plan personnel. J’ai été contraint d’apprendre à parler anglais pour me faire comprendre, j’ai découvert la richesse culturelle de ce pays dans lequel de nombreux peuples se côtoient. Cela faisait également partie de ce que je cherchais en m’expatriant. Sur le plan rugbystique, j’ai été surpris par l’intensité et le volume des entraînements. Les séances étaient très physiques, avec du contact réel et de la vitesse dans les déplacements alors qu’en France, la tendance était plutôt à limiter le contact au profit de la récupération. J’ai également été marqué par le grand professionnalisme des joueurs sud-africains !  Là-bas, tu ne peux pas tricher : toute l’équipe va jusqu’au bout des exercices et te pousse dans tes retranchements, pour te permettre de te dépasser. Cela fait partie de leur culture. Dans le cas des Kings, j’ai pu ressentir cet esprit conquérant qui les animait en vue de leur première participation au Super 15. Tout le monde était exigeant dans son travail et très investi dans le club. Je me rappelle aussi qu’ils évoluaient dans un environnement bien moins confortable. Par exemple, nous lavions nous-même nos habits, ce qui était déjà impensable en France ! C’est effectivement une mentalité différente. » 

 

Le rugby sud-africain est souvent associé à un jeu basé sur la puissance et le combat. Penses-tu que cela soit toujours d’actualité ?

 

V.L. : « Je pense que c’était surtout le cas lorsque les Afrikaans avaient le monopole du rugby sud-africain. Aujourd’hui, cela a évolué. Il faut savoir que dans ce pays, les jeunes apprennent le rugby au cours de leur parcours scolaire plutôt qu’en club. Il existe des établissements qui proposent l’Anglais en tant que première langue et qui sont donc plus ouverts sur d’autres cultures, alors que certains proposent l’Afrikaans en première langue et sont plus « conservateurs », ce qui se traduit également dans leur façon d’enseigner le rugby. Ainsi, les lycées afrikaans vont plutôt axer leur formation sur l’aspect physique, quand les autres vont prioriser la gestion des espaces et la prise de décisions. Ces deux visions se sont « mixées » à partir du début des années 2000, ce qui a permis au rugby sud-africain d’évoluer, mais ils conservent tout de même cette culture du combat. Il suffit de regarder la finale de la Coupe du Monde 2019 face à l’Angleterre pour se rendre compte que c’est une part très importante de leur rugby ! »

 

La franchise des Sharks a d’ailleurs de gros atouts offensifs, comme en témoigne sa victoire avec plus de 50 points inscrits face au Munster. Quelles différences observes-tu dans leur jeu d’attaque, par rapport à ce que peuvent proposer les Bulls ?

 

V.L. : « Les Sharks sont plus menaçants, car plus complets. C’est une équipe qui est capable de répondre présente sur le défi physique et les phases de duels mais aussi de faire des offloads. Elle est également très forte sur les phases statiques, comme en témoignent ses deux essais sur mauls face au Munster. De plus je pense qu’elle dispose d’un plus grand nombre d’individualités menaçantes que les Bulls : ils ont de très bons ailiers, une grosse troisième ligne et quelques leaders à des postes clés, à l’image du talonneur Mbonambi, du n°8 Notshe, de leur charnière… En cela, je les trouve plus complets que nos précédents adversaires. Il faut aussi prendre en compte qu’avec leur effectif composé de nombreux internationaux, ils possèdent plus d’expérience dans ce genre de matchs. »

 

Dans le staff des Sharks, tu vas retrouver une vieille connaissance en la personne de Yannick Bru, qui fut ton coéquipier au Stade Toulousain entre 2004 et 2007, puis ton entraîneur entre 2007 et 2012 !
Penses-tu que sa connaissance du club puisse être un véritable atout pour les Sharks ?

 

V.L. : « Oui, bien sûr ! Il connaît parfaitement la culture toulousaine et il nous a déjà affrontés à plusieurs reprises en tant que coach de Bayonne, c’est forcément un atout. De notre côté, c’est un peu plus l’inconnue… Mis à part leurs matchs d’URC et de Champions Cup, nous avons du mal à obtenir un vrai comparatif. Je pense qu’ils ont l’avantage sur nous à ce niveau, d’autant plus qu’ils comptent dans leurs rangs Werner Kok et Thomas Du Toit, tous deux passés par le Stade ces dernières années. Ils ont des agents infiltrés (rires) ! »

 

Samedi, vous aurez le plaisir de disputer ce 1/4 de finale à domicile. Vos adversaires devraient atterrir dans la matinée de mercredi sur le sol toulousain, après un vol d’environ 11h. Penses-tu que ces longs déplacements entre l’Europe et l’Afrique du Sud constituent un avantage conséquent pour l’équipe qui reçoit ?

 

V.L. : « C’est forcément un facteur à prendre en compte. Maintenant, on voit de plus en plus d’équipes qui s’imposent à l’extérieur (les Sharks l’ont fait face à Bordeaux lors de la J2). Après, même si nous en sommes conscients, je ne suis pas certain que cela représente un gros pourcentage d’affaiblissement de l’équipe adverse. Il faut aussi garder en tête que nous bénéficions d’un jour de récupération en moins, étant donné que nous avons joué dimanche et eux samedi. Je dirais donc que cela vient équilibrer les débats, car 24h de récupération peuvent avoir un apport non-négligeable dans la préparation d’un match. »

 

Après ce premier tour des phases éliminatoires, quel est ton ressenti sur l’intégration des provinces Sud-Africaines dans la compétition ? Penses-tu que leur présence a permis d’élever le niveau global ?

 

V.L. : « J’ai d’abord été surpris par cette volonté de l’EPCR d’intégrer les équipes sud-africaines dans la Champions Cup. Ce n’est désormais plus la Coupe d’Europe, mais nous nous sommes habitués à cela. D’un autre côté, cela permet effectivement de faire monter le niveau : c’est une bonne chose d’affronter des formations qui jouent un rugby différent de celui pratiqué en France et en Europe. En plus de cela, le fait d’aller chercher des équipes performantes d’autres pays permet de rencontrer plus de joueurs de haut niveau, et donc de vivre des oppositions plus difficiles. C’est également positif d’aller chercher de la nouveauté et de ne pas toujours affronter les mêmes adversaires au fil des saisons. Maintenant, le plus important reste d’en sortir victorieux ! »

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